La Commission Patrimoine de la Ligue du Centre-Val de Loire de Basketball s’est rendue à Orléans au domicile de Maurice CHATELET le mardi 31 octobre 2023.
Partie 2 : L’étudiant
C’était une équipe senior ?
MC – Une équipe senior, c’est ça il y avait garçons et filles et on se déplaçait simultanément. Ça c’était déjà sans doute en 1942-43 puisque c’était le camion à gazogène, un camion bâché dans lequel tu mettais des bancs et puis on s’asseyait sur les bancs.
En 1939, tu faisais des matches ?
MC – Oui, ce n’est pas sûr, pas sûr, en 1939 c’était le début de la guerre.
Maurice, je cherche quelle pourrait être ta première licence, à la fédération de basket. Pour faire les championnats, tu as été obligé d’avoir une licence fédérale ?
MC- Ça pourrait être plutôt dans les années 42-43.
La période Grenoble ?
MC – Moi sortant de mathélem, je voulais faire ingénieur hydraulicien, parce que j’avais un camarade qui jouait aussi au basket, un nommé Maurice FOSSET, et lui était déjà une année avant moi dans le cursus scolaire. Donc il faisait la rentrée à l’Institut de Grenoble où à l’époque il n’y avait pas de concours d’entrée. C’était en fonction des résultats du Bac. Il avait déjà fait un an là-bas et il m’a dit : tu peux venir là-bas.
On n’avait aucune information à l’époque dans les collèges. J’ai failli d’ailleurs en fin de troisième, en
1939, m’engager à l’école des mousses de Lorient[3]. Alors que je n’avais jamais été au bord de la mer.
Mes parents à cette époque étaient artisans et les rentrées d’argent, ça ne se faisait pas bien. Donc le fait d’avoir mon frère qui allait prendre la succession de mon père, ma sœur qui travaillait dans l’entreprise, du coup, moi je faisais des études pour faire autre chose et c’est comme ça que je suis parti à Grenoble.
Combien de mois à Grenoble ?
MC – Grenoble, d’octobre à février et je reviens dans le Berry, parce que j’ai perdu un certain nombre de kilos. Là-bas on crevait de faim. On n’a pas crevé de faim au début, mais quand les Allemands ont décidé d’occuper toute la zone libre en octobre ou novembre 1942. Pendant deux mois on a mangé normalement, on était dans une pension de famille avec Maurice ROCHEIX, normalement parce que nos parents respectifs qui étaient dans une zone libre, qui avaient des relations dans les fermes, avec du ravitaillement qu’ils nous envoyaient, ce qui nous permettait de tenir le coup.
Et le basket ?
MC – J’ai seulement joué dans l’équipe de l’Institut Électrotechnique de Grenoble, au niveau universitaire. Je ne me rappelle pas si Maurice ROCHEIX, lui, a joué dans un club.
On revient maintenant à St Amand où tu prépares l’entrée à l’ENSEP ? Tu reviens parce que tu as faim ?
MC – Oui, je reviens et avec ma mère nous allons voir mon ancien chef d’établissement. C’est un collège de 250 élèves de la 6ème à la terminale, en terminale on devait être 8. On va voir le Principal qui connaissait ses élèves. Il n’en n’avait pas beaucoup. Il me dit : « toi tu as toujours été bon en éducation physique, tu as toujours eu le premier prix, tu as fait de la gymnastique, tu as fait un peu de basket, prépare donc le professorat d’EPS ». C’est comme ça qu’est venue ma vocation. A partir de ce moment-là, il m’a dit : « si tu veux, je te trouve un poste de maître d’internat ». Huit jours après, j’avais un poste de maître d’internat au Blanc, dans l’Indre.
Et ça été mon premier poste administratif et de fonctionnaire. C’est en mars 1943.
Comment tu te prépares ?
MC – Avec des bouquins, au Blanc il y a un vélodrome avec piste en bois et on peut pratiquer l’athlétisme avec des virages relevés. C’est exceptionnel pour l’époque. D’ailleurs sur cette piste là j’ai organisé des championnats d’Académie quand par la suite j’étais secrétaire régional du sport scolaire. Elle a vécu très longtemps.
J’ai commencé vraiment à lire des bouquins sur la musculation, pour préparer le concours de l’ENSEP, mais c’est en 1943, l’année de mes 20 ans. Et tous les jeunes de 20 ans doivent donner huit mois de leur temps dans les chantiers de jeunesse. Je suis donc mobilisé dans les chantiers de jeunesse le 1er juillet. Ce qui me vaut un blâme de mon chef d’établissement parce que j’ai quitté le collège du Blanc. Ça ne m’a pas gêné dans ma carrière.
J’ai donc fait février, mars, avril, mai, juin au Blanc. 1er juillet je suis dans les chantiers de jeunesse. Étant au Blanc, mes chantiers d’affectation sont à Châteauneuf sur Cher, ça me rapproche de chez moi.
Si j’étais resté à St Amand j’aurais été affecté dans un centre du Massif Central.
Comment tu te prépares au concours d’entrée ?
MC – Ah mais je me prépare sérieusement au concours d’entrée.
Pas uniquement dans les livres ?
MC – Il y avait un stade à St Amand, je ne faisais plus de gym (comme on l’a vu plus haut), j’ai passé le concours. Attendez, je suis maître d’internat au Blanc, au 1er juillet, je suis à Châteauneuf sur Cher dans le chantier de jeunesse, en novembre les Allemands décident que les jeunes des chantiers de jeunesse doivent travailler en Allemagne (STO) ou construire le mur de l’Atlantique. Moi, connaissant beaucoup de paysans dans mon secteur, d’origine artisanale ou petit paysan, un parent veut bien m’accepter dans sa ferme. Donc je suis réfractaire du STO.
A côté de St Amand, à Loye-sur-Arnon, où je reste novembre, décembre 1943, janvier, février, mars 1944, 5 mois, camouflé, à faire des travaux agraires, c’est toujours ma préparation.
On arrive en 1944, c’est le débarquement, il y a relâchement des Allemands, ils avaient autre chose à faire que de surveiller les gars qui étaient dans les fermes. C’est là que j’ai travaillé pendant un ou deux mois dans le garage qui se trouvait à 15 kilomètres de la ferme. J’ai fait davantage de basket, en même temps. Le club s’était structuré : le dirigeant, un tailleur s’occupait de nous, et puis Jean COUTURIER faisait l’entraînement.

Et puis ta future épouse qui jouait également au basket, c’était un élément de motivation ?
MC – Absolument (rires).

Les épreuves du concours d’entrée comportaient-elles du basket ?
MC – Non, il n’y avait pas de basket du tout De la gym ? Y avait de la gym bien sûr, y avait un mouvement au sol que tu devais présenter. Je ne me rappelle pas si on nous imposait certains mouvements au sol.
Les épreuves tu les a passées où ?
MC – A l’Institut de Formation de l’académie de Paris, qui dépendait de la fac de médecine. LACRETELLE ? Oui, LACRETELLE où je passe octobre, novembre, décembre 1944, janvier, février, mars 1945 et là je prépare mon concours d’entrée à l’ENSEP. En mars, je suis mobilisé par l’armée. Je sors brillamment sous-officier et c’est là que je passe le concours normal, épreuves écrites à Paris, épreuves physiques à Poitiers. Étant dans l’armée il fallait passer le concours normal, et j’avais le nombre de points nécessaires, je figurais même bien dans le classement, mais ayant une note éliminatoire, vous ne savez pas en quoi ? En handball ! Je n’ai pas pu rentrer à l’ENSEP sur ce concours-là. Au mois de septembre ils ont fait une session spéciale pour les gens qui comme moi avaient été retardés dans leur formation et j’ai été reçu à cette session spéciale. Et là soit je pouvais rester préparer le professorat en trois mois comme Henri CHAUTARD et beaucoup d’autres de l’époque, ou je le préparais en deux ans. Moi, j’ai dit trois mois ce n’est pas une formation. Donc je m’engage pour deux ans et le concours normal.
A Vincennes ?
MC – A Vincennes, non, même pas.
A la redoute de Gravelle ?
MC – Non, j’ai été un an boulevard Jourdan, logé rue de la Tombe Issoire, dans un hôtel réquisitionné par l’Éducation Nationale.
40, Boulevard Jourdan comme du temps de l’ENEP !
MC – Une moitié de ma promo était logée au pavillon d’Espagne et l’autre moitié était logée avec moi dans l’hôtel de la Tombe Issoire. Et là les cours étaient boulevard Jourdan, au numéro 40, sur la gauche avant d’arriver au parc Montsouris.
Et l’entraînement physique ?
MC – la natation se faisait dans la cité internationale, il y avait la piscine de 25m et les cours boulevard Jourdan, où il y avait un gymnase et une petite piste.
Tu es sorti en 1947 après deux ans et l’année d’après le cursus était 3 ans.
MC – Ah oui, peut-être. Car Jacques DESCOUX il a fait trois ans effectivement.
Alors tu étais avec Maurice CHAFFOL ?
MC – Oui, je me suis trouvé avec Maurice CHAFIOL en octobre 1945 Lui, il n’a pas pu sortir en même temps que moi parce qu’il a fait une pneumonie en 1947, donc il n’a pas pu passer le concours et il l’a passé un an après. Il a été affecté à Bourges et moi j’avais été affecté l’année d’avant à Orléans.

Et vous avez joué au basket ensemble ?
MC – Jamais ! En revanche nous avons joué l’un contre l’autre en USFEN ! Nos femmes ont joué aussi l’une contre l’autre. Sa femme jouait dans l’équipe de Bourges et la mienne jouait à St Amand- Montrond et à ce moment-là, la guerre est terminée. Il n’y avait plus de zone libre ni de zone occupée.
Est-ce que tu te rappelles de LE BOULCH ?
MC – LE BOULCH, il était dans ma promo, bien sûr et dans la même chambrée à Gravelle en 1946-47.
Il était basketteur aussi ?
MC – Je ne sais pas s’il était basketteur. La première année, il était dans une petite chambre dans l’hôtel dont je vous ai parlé tout à l’heure.
LE BOULCH avait été sollicité par la fédération de basket pour s’occuper des grands gabarits.
MC – Oui parce que LE BOULCH, il a fait sa médecine après avoir fait son professorat d’EPS. Nous étions à Gravelle. On a essuyé les plâtres là-bas. On dormait dans la Redoute et on allait manger chez les Joinvillais, on avait un bon kilomètre ou 1 km 500, dans la boue, le matin pour aller casser la croûte. Ça a été difficile pendant cinq, six mois et quand on voyait les installations de chevaux à côté de l’hippodrome de Vincennes, les chevaux étaient mieux lotis que nous. J’y suis retourné avec mes enfants et petits enfants
L’INS n’était pas terminé ?
MC – Ah bien non, l’INS n’était pas construit du tout. Y avait le stade Pershing.
MC – Oui, ça a été un parcours ça.
Alors qui enseigne le basket à l’ENSEP ?
MC – C’est MERAND.
Donc tu as connu LAGISQUET que tu as eu comme prof ?
MC – Oui, LAGISQUET je l’ai eu comme prof.
Et MERAND aussi ?
MC – MERAND aussi. J’ai eu RUBELIN, DAVID, c’était la méthode naturelle.
Dessendier ?
MC -DESSENDIER, on a fait un stage au lac des Settons ? C’est là qu’il nous a montré comment monter aux arbres avec des branches mises en trapèze.
La gym ou le basket ?
MC – Je n’ai pas opté. On était polyvalent à l’époque. Il fallait tout faire. J’ai fait un peu de tout, du handball à 11. Le handball à 11 je l’ai pratiqué à Orléans, j’ai fait jouer les élèves du lycée Pothier à 11. On jouait contre les équipes de l’académie de Paris. Sinon on faisait tous les sports à petite dose.
Ta pratique d’étudiant, mais tu n’as pas fait ni de gym, ni du basket à Paris.
MC – Non, non, à Paris je n’ai jamais été dans un club.
Après ta nomination à Orléans…
MC – C’est là que je reviens dans un club de basket qui se trouve être l’OCO (Olympique Club d’Orléans) Avec DALGARONDO, THOMAS le gendre au père TOULET, Coco COURTIN, des gars comme ça.

MAHON DE MONAGHAN ?
MC – Non il n’y était pas mais parce qu’ils étaient plus en avance, ils ont tous été plus ou moins toubib tous ces gars-là. J’ai été voir un ancien du PUC qui était dans la région parisienne, il était passé par Orléans.
GUILLOU ?
MC- Oui Fernand GUILLOU qui a fait les JO de 1948.
Fin de la Partie 2
Interview réalisé par : Jean-Claude BOIS, Christian CATHELINEAU et Jacky RAVIER, Le 31 octobre 2023
Accéder au même contenu en format PDF en cliquant en bas à gauche pour faire défiler la lecture :
M-CHATELET-23-Novembre-2023-Partie-2-LetudiantTélécharger le document en PDF de l’entretien Partie 2 en cliquant ici : https://centrevaldeloirebasketballpatrimoine.org/wp-content/uploads/2023/11/M-CHATELET-23-Novembre-2023-Partie-2-Letudiant.pdf
[3] Si Maurice était allé à l’école des mousses de Lorient, il aurait eu comme moniteur chef d’EPS Georges Hébert qu’il a rencontré, par ailleurs, en forêt d’Ermenonville quand il était à l’ENSEP.
[4] L’INS a été créé en 1945, les conditions de travail y étaient précaires car ce n’est qu’en 1952 que Vincent Auriol a inauguré les bâtiments de l’INS. Et ce n’est qu’en 1956 que l’ENSEP (garçons) emménage au Tremblay, à côté de l’INS.